Table des matières
Introduction
Développement du raisonnement critique chez les enfants de 10 à 12 ans
Les quatre facteurs (raisonnement de base, estime de soi, gestion des émotions et normes sociales) que nous avons étudiés dans la première partie de ce guide, chez les enfants de cinq à neuf ans, restent pertinents lorsque l’on aborde le développement du raisonnement critique pour les jeunes de 10 à 12 ans.

Cependant, le développement du raisonnement critique chez les enfants de 10 à 12 ans peut être particulièrement influencé par trois nouveaux facteurs, autour desquels nous allons organiser cette partie du guide :
le développement des facultés de raisonnement logique, qui permettent aux enfants d’aller au-delà du débat de tous les jours ;
la puberté et ses implications en matière de centres d’intérêt, d’estime de soi et de capacité à gérer ses émotions ;
l’univers numérique, qui comprend les jeux vidéos, la navigation sur internet et le développement d’une nouvelle vie sociale (ou pseudo-sociale) sur les réseaux sociaux ciblant les jeunes.
Ces facteurs renforcent le développement de l’enfant dans le raisonnement critique et présentent en même temps de nouveaux obstacles. Les parents peuvent faire beaucoup pour aider leurs enfants à poursuivre leur développement dans des voies productives en évitant les écueils potentiels.
En matière de raisonnement, le grand pas en avant de cet âge concerne la capacité accrue pour l’abstraction et la logique formelle. Alors que les enfants plus jeunes appliquent un raisonnement rudimentaire aux situations concrètes qu’ils rencontrent dans la vie de tous les jours, les enfants de 10 à 12 ans commencent à tirer plus de conclusions générales de ces expériences quotidiennes. Les parents peuvent favoriser cette évolution vers plus d’abstraction en stimulant continuellement leurs enfants avec des discussions plus complexes à la maison, et pratiquant des exercices de logique formelle de base avec eux.
Cette évolution est contrariée à la fois par la survenue de la puberté (avec les émotions et le processus d’individualisation qui l’accompagnent) et par les nouvelles distractions numériques auxquelles les enfants sont de plus en plus exposés pendant cette période. À cet âge-là, les réseaux sociaux en particulier peuvent exercer une forte pression sur les enfants.
Mais si les adolescents arrivent à surmonter certains de ces obstacles à leur développement cognitif, le raisonnement critique peut en lui-même servir à canaliser une partie de cette nouvelle énergie, de leur curiosité et de leur soif d’indépendance. En reconnaissant les changements qui s’opèrent chez leur enfant, et en favorisant sa croissance intellectuelle, les parents peuvent aider à faire de cette période difficile une étape excitante et productive, et le préparer aux futures avancées cognitives qui surviendront au début de l’âge adulte.
1. Les biais cognitifs
En résumé:
Au fur et à mesure que leurs capacités cognitives s’affinent, les enfants commencent à réfléchir et à émettre des jugements sur des sujets plus complexes. Mais les enfants de cet âge sont souvent très vulnérables face aux erreurs et aux biais cognitifs. Ils ont tendance à généraliser en ne se fondant que sur leur propre expérience, limitée.
Les parents peuvent aider leurs enfants en les encourageant à réfléchir sur leurs limites et en faisant émerger des perspectives alternatives.
Chez les enfants de 10 à 12 ans, les capacités d’argumentation que nous avons analysées chez les plus jeunes vont évoluer vers de véritables raisonnements, de plus en plus justes et efficaces. La logique va donc jouer un rôle de plus en plus grand, même si à cet âge-là elle n’est d’abord applicable qu’à des situations concrètes et visualisables, et même si elle reste sujette à de nombreux biais cognitifs.

Que sont précisément les biais cognitifs ?
Nous avons déjà évoqué rapidement le type de biais que les jeunes enfants peuvent commencer à dépasser grâce à la métacognition et à l’engagement dans de nouvelles expériences et de nouvelles perspectives. Les « biais cognitifs » se réfèrent à quelque chose de plus spécifique, les erreurs que nous avons tendance à commettre dans le traitement de l’information. Ce sont ces tendances cognitives récurrentes qui nous font commettre des erreurs, et les répéter. Ces biais cognitifs sont semblables aux biais perceptifs, à l’origine des illusions d’optique par exemple.
À un niveau cognitif plus élevé, comme pour les processus de mémorisation et de reconnaissance, on retrouve des biais cognitifs. Par exemple, nous mémorisons les visages dans leur contexte. Si nous ne voyons la boulangère qu’à la boulangerie, alors nous aurons des difficultés à nous reconnaître si nous nous croisons par hasard en vacances. Ceci est un biais cognitif.
Nous avons tous fait l’expérience de ce biais, mais le reconnaître nécessite un processus métacognitif. Malheureusement, la métacognition ne nous aide pas toujours à le corriger. En règle générale, plus le biais concerne un processus de bas niveau (par exemple, dans la perception) et plus il résiste à la métacognition.
Cependant, il existe un domaine dans lequel la métacognition réussit à corriger certains biais : c’est dans la sphère de la cognition sociale. Par exemple, notre système cognitif tend à « sur-généraliser », c’est ainsi que naissent les stéréotypes sociaux. « Les femmes sont plus douces que les hommes » est un exemple de stéréotype social.
Si nous apprenons à comprendre grâce à la métacognition (le processus cognitif capable d’analyser voire corriger d’autres processus cognitifs) comment notre tendance à la surgénéralisation nous mène à des stéréotypes abusifs, injustes et même dangereux, nous pouvons alors nous empêcher de sur-généraliser. En cognition sociale, la métacognition, qui peut se travailler, est efficace pour réduire l’effet parfois catastrophique des biais cognitifs.
2. Le développement du raisonnement
En résumé:
À cet âge-là, le raisonnement des enfants s’élargit, d’un focus sur le monde concret à des problèmes de plus en plus abstraits. Les enfants font des progrès en se confrontant à des problèmes qui les forcent à réfléchir de manière plus abstraite.
Les parents peuvent les aider en complétant leurs apprentissages scolaires par des jeux, des discussions et des problèmes qui sollicitent leurs capacités émergentes.
Du point de vue de ses facultés de raisonnement, l’enfant de 10 à 12 ans vit une transition entre le « stade des opérations concrètes » (dans lequel il ne raisonne que sur des objets immédiatement présents) et le « stade de la logique formelle » (dans lequel le raisonnement abstrait détaché du monde sensible devient possible).
Il faut rappeler qu’à partir de neuf ou 10 ans, l’enfant améliore sa capacité à conceptualiser et à créer des raisonnements qui nécessitent néanmoins encore un rapport direct au concret. Un certain degré d’abstraction lui permet aussi d’aborder des disciplines comme les mathématiques, au-delà de l’arithmétique. Il devient possible pour l’enfant de résoudre des problèmes avec des nombres et des raisonnements, mais qui impliquent toujours des objets immédiatement présents. La capacité de résoudre des problèmes abstraits à plusieurs variables reste rare à ce stade.
À partir de 11-12 ans se développent progressivement ce que Piaget a appelé « les opérations formelles ». Les nouvelles capacités qui apparaissent à ce stade, comme la logique avec des raisonnements « si… alors… » et l’établissement de relations abstraites, sont généralement maîtrisées autour de l’âge de 15-16 ans. À la fin de ce stade, l’adolescent peut donc, comme l’adulte, utiliser une logique formelle et abstraite, à la seule condition d’avoir appris le langage de la logique (si, alors, donc, etc.) et de s’y être exercé. Il devient également capable d’extrapoler et de généraliser à partir de situations concrètes.
Par conséquent, entre 10 et 12 ans, les enfants doivent être stimulés intellectuellement et poussés à réfléchir et à établir des raisonnements. De cette manière, les parents les aident à passer progressivement d’une logique quotidienne fondée sur l’action et l’observation à une logique basée sur des règles de déduction indépendantes de la situation vécue.
Notre esprit développe des concepts en extrayant des points communs à partir de différents objets. Par exemple, un jeune enfant qui entend « arbre » de la bouche des autres chaque fois qu’il croise une plante sèche mesurant entre 1 et 2 mètres (arbres de climat sec de type sahélien) va automatiquement extraire des points communs pour produire un modèle du concept d’arbre.
Mais il n’a jamais eu de définition formelle du mot. La première fois qu’on emmène cet enfant dans un milieu tempéré devant un chêne verdoyant de 20 mètres et qu’on lui dit que c’est également un arbre, alors son modèle préalablement établi s’effondre. Cet objet immense, très feuillu et très vert, avec un tronc central vertical, ne répond pas à son « concept visuel » de l’arbre fondé à partir de petits végétaux secs. Ce bouleversement oblige le système cognitif à revoir son concept d’arbre, et à le définir avec des caractéristiques plus complexes et plus abstraites communes à la fois au grand chêne vert et à la petite plante sèche.

Identifier les invariants
Nous apprenons notre environnement et notre langue maternelle ainsi, en partant de situations concrètes et en créant un assemblage de liens mémorisés entre des mots et des représentations sensorielles.
Il serait pratique de disposer d’une définition formelle et universelle de ce qu’est un arbre, et de simplement l’implémenter dans le système cognitif de l’enfant. Mais c’est impossible : d’une part parce que l’enfant ne maîtrise pas encore le langage de base et encore moins le langage formel ; d’autre part, parce qu’il ne peut pas encore apprendre par déduction.
Mais les enfants peuvent s’entraîner à identifier et extraire des caractéristiques invariables de plus en plus complexes, créant une représentation mentale du monde en remettant continuellement en question et en affinant les concepts créés par le système cognitif. Par ce processus, et grâce à l’accumulation progressive de vocabulaire, les enfants deviennent capables d’extraire des représentations non seulement à partir du vécu sensoriel, mais également à partir de représentations déjà mémorisées.
Une manière de définir la pensée est « l’articulation de représentations combinées à volonté grâce au langage dans son esprit. Lorsque cette combinaison de représentations est structurée par des liens de déduction (si, alors), cette pensée devient un raisonnement.
Un champ des possibles immense s’ouvre à l’adolescent, qui devient capable de raisonner et de tirer des conclusions universelles dans des contextes nouveaux.

Vers 10 ans, des situations qui nécessitent une déduction logique vont progressivement se rencontrer à l’école. Les élèves vont être forcés d’envisager quand et comment utiliser des opérations de base pour résoudre un problème concret. Ces situations se rencontrent aussi parfois en famille, quand les parents cultivent un environnement favorable à la réflexion et qu’ils prennent le temps d’en faire profiter leurs enfants.
Par contact avec des situations nécessitant une déduction, dans lesquelles on collecte des données, on les étudie rationnellement et on en tire des conclusions, l’enfant va progressivement réussir à identifier les caractéristiques invariables dans les données et à assimiler les règles de déduction.
Cela commence à se développer doucement mais sûrement vers 11 ans, pour se stabiliser vers 14-15 ans. C’est ainsi que les enfants atteignent le stade des opérations formelles. Le raisonnement n’a plus besoin de situations visualisables et concrètes. Il ne nécessite plus d’éléments concrets et il est même libéré du besoin de s’appuyer sur le souvenir de problèmes résolus précédemment. Un champ des possibles immense s’ouvre à l’adolescent, qui devient capable de raisonner et de tirer des conclusions universelles dans des contextes nouveaux.
Mais cela ne se produit que si les adolescents sont stimulés par l’apport de problèmes à résoudre. Les facultés logiques ne s’améliorent qu’avec l’entraînement. Les adultes doivent donc encourager les enfants à résoudre des problèmes. La difficulté va créer de nouveaux chemins et de nouvelles connexions neuronales dans le cerveau. Ces efforts sont indispensables pour le développement du cerveau et de la capacité de raisonnement.
3. Le raisonnement universel
En résumé:
Au fur et à mesure que leur raisonnement devient plus abstrait, les enfants commencent à élaborer des argumentations de plus en plus complexes. Ils commencent également à apprendre à identifier les erreurs dans les arguments des autres.
La capacité de raisonnement universel, en utilisant les règles logiques de déduction, monte en puissance vers l’âge de 10-12 ans. Cela signifie que les enfants peuvent commencer à utiliser la logique dans des situations pas nécessairement concrètes, dans des domaines où ne semble régner que le langage. Le développement de cette faculté permet aux enfants d’avoir un regard critique sur le discours de l’autre. À cet âge, le raisonnement peut également devenir une arme puissante, notamment pour combattre des raisonnements erronés ou trompeurs.
Pendant ce stade intermédiaire, entre 10 et 12 ans, il est fondamental que les parents s’entraînent eux-mêmes s’ils veulent aider leurs enfants à développer leurs compétences logiques et leur raisonnement critique. Pour cela, on peut jouer en famille à des jeux logiques, des « escape games », des énigmes ou des enquêtes de type Cluedo, en alliant plaisir et effort de raisonnement.
Si l’enfant complète ses apprentissages scolaires dans un environnement familial qui stimule sa réflexion, le voici déjà bien armé pour que ses facultés critiques puissent progresser vers un raisonnement critique plus puissant et plus universel le moment venu.
Nous avons vu que pour la tranche de cinq à neuf ans, l’argumentation était un moyen de nourrir les capacités critiques de l’enfant dans cette période préalable au développement de ses capacités de raisonnement. À partir de 10 ans, le développement de ses compétences logiques et l’acquisition croissante de connaissances vont lui permettre de combiner l’argumentation et le raisonnement pour soutenir un usage efficace du raisonnement critique.
Il est beaucoup plus facile d’affaiblir, voire réfuter, une idée grâce au raisonnement critique que de démontrer sa validité. Par exemple, si quelqu’un exprime une idée très générale comme « En politique, les femmes sont toutes moins agressives que les hommes », il suffit d’un contre-exemple pour prouver que c’est faux.
Il serait plus difficile de réfuter l’affirmation que les femmes politiques en général sont moins violentes que les hommes. Nous ne pouvons pas prouver que c’est faux par un contre-exemple, c’est-à-dire une seule femme politique agressive.
Ce type d’erreur de logique est également souvent commise par des adultes. Démontrer que la dernière affirmation est vraie ou fausse nécessite une méthode rigoureuse, des indicateurs fiables et des calculs statistiques. En entreprenant ce genre de démarche logique, on peut enseigner aux enfants plus âgés à aller plus loin que la simple argumentation.

Raisonnement universel
4. Puberté et adolescence
En résumé:
L’âge compris entre 10 et 12 ans est particulièrement difficile pour de nombreux enfants à cause des changements physiques causés par la puberté. C’est également une phase transitoire dans leur développement cognitif. Des capacités solides de raisonnement critique peuvent aider à stabiliser cette période, en particulier si les enfants sont capables d’éviter les distractions, avec l’aide de leurs parents.
Encourager l’effort au nom de la gratification différée
Certains biologistes de l’évolution vont jusqu’à dire que le parcours de vie singulier de l’individu n’est que pure illusion : notre organisme tout entier travaille uniquement pour le bénéfice de l’espèce. Même si cette affirmation semble aberrante, elle vaut le coup d’être considérée à la lumière du pouvoir des hormones qui peuvent profondément affecter la personnalité et le comportement des enfants.

Quand le système reproductif se met en marche, les hormones sexuelles induisent des changements et de véritables bouleversements à tous les niveaux. Le cerveau est très impacté et de nombreux centres d’intérêt et traits de caractères peuvent changer considérablement.
La puberté est elle-même influencée par de nombreux facteurs biologiques, psychologiques, cognitifs, sociologiques et chimiques. On observe ainsi une puberté de plus en plus précoce à cause de substances chimiques synthétiques appelées perturbateurs endocriniens.
L’exposition aux médias et à internet joue également un rôle : les contenus sexualisés de plus en plus accessibles aux jeunes contribuent à orienter leur système nerveux central et leur système hormonal, plus ou moins consciemment, vers la compétition, la séduction, l’agressivité et les pulsions sexuelles – autrement dit, vers la survie de l’espèce.
La recherche immédiate du plaisir est encouragée prématurément chez les pré-adolescents par la publicité, les magazines, les films, la télévision et internet. Les normes sociales poussent aussi dans cette direction : les sportifs, artistes, éducateurs et psychologues parlent plus de plaisir que d’effort. Or nous avons vu qu’au moment où la puberté démarre, le raisonnement et la logique formelle s’implantent progressivement par l’exercice et l’effort intellectuel.

Puberté vs raisonnement critique
Deux mouvements opposés entrent en jeu.
D’un côté, nous avons le développement des connaissances et des savoir-faire (langage, raisonnement, résolution de problème), grâce à l’école, la famille, le sport, les arts et certains médias qui favorisent le développement des facultés de raisonnement et d’argumentation critiques.
D’un autre côté, la puberté et les normes de gratification immédiate et de liberté pour tous tendent à orienter les pensées et les comportements vers des plaisirs rapidement atteints avec le moins d’effort possible, bien loin des exigences du raisonnement critique.
Il est donc sage de commencer à entraîner les enfants le plus tôt possible (dès la petite enfance) à utiliser leurs facultés de raisonnement. Une fois l’habitude prise, ni la puberté ni les phases conflictuelles de l’adolescence ne pourront anéantir ces capacités critiques. Cela devient comme un deuxième langage.
Les adolescents ne détruisent pas leur langue maternelle même s’ils rejettent quasiment tout ce qui peut être associé à la famille ou à la société. Ils utilisent des termes et des expressions spécifiques de leur âge, mais toujours ancrées dans la langue qu’ils ont apprise quand ils étaient petits.
La fenêtre située entre 10 et 12 ans, ce moment pivot entre enfance et adolescence, est une période optimale pour développer et consolider les facultés critiques.

De la même manière, les attitudes, comportements et savoir-faire acquis avant l’adolescence peuvent être remis en question lors de cette période critique. Mais ils ne sont pas complètement éliminés et reviennent dès la sortie de l’adolescence. C’est ainsi que notre culture se transmet.
La fenêtre située entre 10 et 12 ans, ce moment pivot entre enfance et adolescence, est une période optimale pour développer et consolider les facultés critiques.
La curiosité intellectuelle est souvent élevée au moment où les écoliers terminent l’école primaire. La psychanalyste Mélanie Klein nommait cette soif d’apprendre « pulsion épistémophilique ». Freud parlait de sublimation des pulsions à ce stade, c’est-à-dire de détournement de l’énergie des pulsions sexuelles inconscientes vers des activités sportives ou intellectuelles.
Il faut profiter de ce moment avant la puberté pour orienter les enfants vers le plaisir intellectuel et le raisonnement critique. Les enfants entre 10 et 12 ans ont la capacité d’aiguiser leurs facultés critiques pour le raisonnement et l’argumentation. Ils doivent être exposés à une multitude de sujets et être encouragés à ne pas accepter tout ce qu’ils lisent ou entendent. Dans la plupart des cas, cela fonctionne bien. L’influence des parents et de l’école reste solide même si le besoin de s’affirmer et de se distinguer se développe.
5. La vie sociale adolescente
En résumé:
La vie sociale des enfants tend à subir des changements radicaux à cet âge, et présente de nouveaux défis. Cela exerce une forte pression sur les émotions des enfants. Les parents peuvent aider en encourageant de nouvelles quêtes intellectuelles, et en aidant leurs enfants à identifier des centres d’intérêts qui les impliquent.
En plus des changements de personnalité et de comportement, la puberté tend à amorcer des changements dans la vie sociale de l’enfant. Elle génère un élan massif d’individuation, et donc une « dés-idéalisation » des parents. Les enfants commencent à s’en éloigner, tant sur le plan psychologique que sur celui des occupations et des centres d’intérêt.
Les préadolescents commencent à se définir par les amis qu’il fréquentent au collège ou ailleurs. De nouvelles influences sociales vont progressivement contribuer à découpler les enfants de leurs parents.
Dans ce nouvel environnement social, ainsi que face à de nouveaux défis intellectuels, les enfants font l’expérience de l’erreur et de l’échec. À cet âge, cela peut être mal vécu en matière d’identité et d’émotions. Sur le plan neurophysiologique, les hormones sexuelles augmentent l’instabilité émotionnelle. Sur le plan psychologique, c’est le conflit entre le désir d’émancipation d’une part et l’inexpérience et les lacunes dans la connaissance d’autre part qui vont produire des échecs, notamment dans les relations humaines.
Les enfants cherchent à sortir du cocon familial par leurs idées, leurs goûts, leurs actions et leurs activités. Mais l’inexpérience les rend souvent malhabiles. Les parents doivent les aider à gérer leurs erreurs, de manière concrète et sans dramatiser. Ils doivent aussi les encourager à persévérer sans remettre toute leur existence en question à la première erreur.
La gestion des émotions
Entre 10 et 12 ans, la gestion des émotions devient compliquée. Elle s’effectue dans des centres nerveux encore immatures à cet âge. Et la puberté, évidemment, exacerbe les émotions et peut amener les enfants à mal se comporter.
En passant des moments agréables avec leurs enfants (aller à la pêche, jouer aux échecs…), les parents peuvent les aider à atténuer le côté chaotique de leurs émotions à retrouver un peu de calme. Une fois leurs émotions sous contrôle, les enfants peuvent accéder de manière plus sereine à leurs capacités critiques en faisant appel à leurs facultés cognitives, sans être submergés par des émotions trop fortes à gérer.
À cet âge-là, les capacités critiques peuvent répondre aux exigences intellectuelles rigoureuses. Le lobe préfrontal s’est considérablement développé, permettant aux fonctions exécutives d’analyser une situation, de décomposer un problème et de planifier des étapes de résolution et des actions à engager. Ce savoir-faire exécutif se combine à une maîtrise croissante du langage – en compréhension comme en production – pour développer le raisonnement critique et permettre aux enfants de faire face à des situations ou des idées complexes.
Mais il nous faut tenir compte de la singularité croissante de chaque pré-adolescent et l’aider à trouver et développer ses propres centres d’intérêt pour qu’il s’y investisse et puisse y aiguiser ses capacités critiques. Cultiver ses centres d’intérêt et l’aider dans son raisonnement va permettre non seulement à ses facultés critiques de s’enraciner dans son caractère mais également à son esprit critique de devenir véritablement du raisonnement critique. En trouvant du plaisir en apportant son point de vue raisonné dans des domaines qui l’intéressent, l’enfant va apprendre à exercer ce raisonnement critique plus généralement.
A cet âge-là, le regard des autres prend de plus en plus d’importance pour les enfants. Bien qu’ils semblent gagner en indépendance, ils ne font souvent que passer sous de nouvelles influences. Les copains, YouTubeurs et autres remplacent les parents.
Les parents doivent alterner les rôles d’éducateurs et protecteurs de leurs enfants, et ceux de « copains » qui les comprennent pour les aider à devenir des individus à part entière.

Il est essentiel de valoriser les enfants et de passer des moents de complicité qui ne soient pas éducatifs avec eux. Cela permet aux parents de garder un lien sain et de l’influence, malgré l’individuation normale et nécessaire. Ce « temps de qualité » va largement contribuer à entretenir un haut niveau d’estime de soi. Les enfants ne se sentiront pas comme de simples réceptacles d’éducation. En participant à l’individuation de leurs enfants plutôt qu’en lui résistant, les parents peuvent mieux les protéger d’influences néfastes venues d’amis douteux ou d’internet.
L’estime de soi
A 10-12 ans, le développement de l’estime de soi nécessite de parvenir à un équilibre entre des phases éducatives et des moments de complicité, où la hiérarchie est laissée de côté. Dans ces moments-là, les enfants se sentent reconnus comme des personnes à part entière et acceptent plus facilement les conseils et l’autorité des parents et des éducateurs face à d’autres influences qui pourraient se révéler nocives ou dangereuses.
Les parents doivent alterner les rôles d’éducateurs et protecteurs de leurs enfants, et ceux de « copains » qui les comprennent pour les aider à devenir des individus à part entière. Si cet équilibre est atteint, l’estime de soi des enfants s’ancre fermement ; leurs capacités critiques peuvent de plus être utilisées pour rejeter les influences néfastes.
Mais dorénavant, un contre-pouvoir du raisonnement critique fait partie de la vie de nombreux enfants : l’univers numérique.
6. L’univers numérique
En résumé:
À cet âge difficile, les distractions numériques peuvent facilement devenir un moyen pour les enfants de fuir leurs émotions douloureuses. Le contrôle parental et d’autres limites peuvent être des solutions. Mais il est plus important que les parents aident leurs enfants à maîtriser ces émotions. Ils doivent aussi prendre le temps de discuter avec leurs enfants des effets négatifs de l’excès de temps passé sur les écrans.
Pour les enfants de 10 à 12 ans, l’univers numérique se concentre principalement sur deux domaines : les jeux et internet pour regarder des vidéos ou simplement surfer.
Nous avons vu que la puberté exacerbait les émotions, ce qui les rend encore plus difficiles à gérer. Le défi principal est de résister à la tentation du plaisir immédiat et à ses pulsions. Le contrôle, la distanciation par rapport à ses propres émotions est indispensable à la pensée critique et au raisonnement, quel que soit l’âge.

L’univers numérique a un effet défavorable sur le contrôle émotionnel pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les jeux comme la navigation sur le web nous renvoient à la pensée magique, semblable à celle de la petite enfance. Par exemple, on peut avoir plein de « vies » après avoir été « tué », on peut se téléporter où l’on veut, et on peut rapidement obtenir des réponses à de nombreuses questions. Tout cela renvoie à la question de la satisfaction immédiate des pulsions. Or cette toute-puissance apparente ne favorise pas les efforts et la distanciation nécessaires à l’esprit et au raisonnement critiques.
Ensuite, nous avons vu que pour les enfants, se distancier de leurs parents est compliqué, notamment car leur identité est encore en train de se construire. Sur internet, les enfants voient de nouveaux héros émerger sur YouTube ou ailleurs ; ils rencontrent de multiples personnages dans les jeux et peuvent même commencer à s’y identifier.
C’est ainsi qu’aux prises avec les frustrations liées à la puberté (pulsions et liberté entravées) et avec une identité encore en chantier, l’enfant peut fuir ses émotions négatives à travers le jeu : il suffit d’appuyer sur un bouton pour accéder à un monde parallèle. Il peut aussi se créer une vie en ligne à travers des vidéos postées par d’autres enfants.
En fuyant leurs émotions via les distractions numériques, les enfants se privent d’occasions de réfléchir à leurs émotions et à leurs pulsions, et de les dépasser.

Les logiciels de contrôle parental permettent théoriquement de bloquer violence et pornographie, mais ils ne peuvent rien contre l’océan de stupidités et de fausses informations qui circulent sur le net. Par ailleurs, les enfants peuvent aussi se faire prêter des jeux violents par leurs amis.
En fuyant leurs émotions via les distractions numériques, les enfants se privent d’occasions de réfléchir à leurs émotions et à leurs pulsions, et de les dépasser. En d’autres termes, ils n’apprennent pas à gérer leurs émotions et à les replacer dans leur contexte par la métacognition. Cela les aiderait à passer outre leurs émotions grâce au raisonnement, et à adopter un point de vue plus objectif et plus critique sur eux-mêmes et sur les autres.
Les émotions négatives liées à la frustration et aux troubles identitaires sont normales pendant cette période. Ces sont ces émotions négatives et leur traitement par l’enfant qui poussent l’esprit à se reconfigurer, en dépassant la souffrance en interprétant et en affrontant les difficultés qui se présentent quand on grandit.
Trop de jeux et d’internet freinent le développement des capacités de gestion des émotions, et par extension du raisonnement critique. En plus de leur effets secondaires addictifs, les jeux videos et internet peuvent avoir des effets neuropsychologiques proches de ceux de la consommation de drogue.
7. Les jeux vidéos
En résumé:
Les jeux vidéos sont plus répandus et plus accessibles que jamais. L’addiction et la surexposition sont de véritables problèmes qui peuvent ralentir le développement cognitif de l’enfant. Les parents devraient avoir clairement conscience de ces problèmes et prendre des mesures pour les traiter très vite.
Les jeux vidéos n’ont jamais été aussi peu chers ni aussi accessibles. On peut y jouer sur son téléphone, une tablette ou un ordinateur, et l’époque où il fallait une console de jeux coûteuse est révolue depuis longtemps. En conséquence, le business model du jeu vidéo est en train d’évoluer.
Dès 10-12 ans, les enfants sont nombreux à posséder un téléphone, une tablette et/ou une console. Et bien entendu, aujourd’hui, tous ces appareils sont connectés facilement et systématiquement à internet. Les offres « freemium » incitent beaucoup d’enfants à harceler leurs parents pour qu’ils leur achètent telle ou telle extension, et un jeu qui était gratuit au départ finit par coûter beaucoup d’argent.
On sait que cette période intermédiaire entre l’enfance et l’adolescence est sensible. De nombreux enfants, surtout des garçons, sont très attirés par des jeux où puissance et violence prédominent. Ces jeux répondent à la fois aux pulsions éveillées par la puberté et au besoin de fuir les déplaisantes réalités du quotidien, comme l’école. Ces jeux sont de plus en plus conçus pour être véritablement addictifs. Aujourd’hui, l’addiction aux jeux numériques est une pathologie reconnue par les psychiatres et les psychologues. Bien sûr, tous les enfants qui jouent à ces jeux n’atteignent pas ce stade, mais l’addiction doit être considérée comme un danger.
Notre cerveau est génétiquement programmé pour rechercher le plaisir et assouvir ses pulsions. Seule l’éducation peut amener l’enfant à contenir et à différer ses pulsions. Le plaisir procuré par un jeu numérique, comme la sensation de manque lorsqu’il faut s’arrêter, font intervenir le circuit neurologique dit « de la récompense ». C’est le même mécanisme que pour les addictions aux drogues, à la cigarette ou à l’alcool.
La zone cérébrale qui permet le contrôle des émotions et des pulsions se situe dans le lobe préfrontal. Si l’enfant cède régulièrement au plaisir immédiat, il n’a pas l’énergie mentale de s’auto-réguler. A 10 ou 12 ans, le lobe préfrontal, dont la fonction est d’inhiber, est loin d’être complètement développé (ce qui se produit après 20 ans). De plus, moins l’enfant essaye de s’arrêter de jouer de lui-même, moins il renforce ses réseaux de neurones inhibiteurs et plus cela devient difficile.
Quiconque devient addict, enfant ou adulte, commence à perdre tout intérêt pour les autres activités.

Quel rapport peut-on établir entre ce phénomène et le développement de la pensée et du raisonnement critiques ? L’addiction à n’importe quelle substance ou activité trouble l’image de soi. Quiconque devient addict, enfant ou adulte, commence à perdre tout intérêt pour les autres activités et ne se sent plus concerné par les activités intellectuelles, culturelles ou sportives. Seul compte le plaisir immédiat et ce qui y conduit. Il n’y a plus de place pour la pensée critique et le raisonnement, et cela peut même causer des régressions.
Les enfants addicts vont rationaliser leur manque de motivation en déclarant que tout le reste est inintéressant, et qu’ils jouent de leur plein gré parce que c’est la seule chose intéressante. Cette absence de raisonnement critique sur eux-mêmes va prévenir la possibilité d’ébranler l’addiction.
La surexposition aux jeux vidéos peut donc être désastreuse pour des pré-adolescents et des adolescents en ce qui concerne le développement de leurs facultés critiques. Elle peut définitivement affecter leur avenir et les priver de l’expérience de la sublimation de leurs pulsions et du plaisir d’apprendre.
Que faire ?
- Retarder le plus possible le moment où l’enfant accède aux jeux vidéos autres que ceux qui sont stimulants cognitivement ou intellectuellement.
- Orienter les enfants vers des jeux qui ne favorisent pas des pulsions liées à la domination, la violence ou la séduction, mais qui au contraire stimulent la curiosité et la réflexion.
Voici quelques exemples :- Qwant Junior – Les Incollables: https://extras.qwantjunior.com/lesincollables/ ; des quizz pour tester ses connaissances en famille
- Grandes découvertes: https://education.francetv.fr/matiere/temps-modernes/ce2/jeu/grandes-decouvertes ; découverte de la géographie et des voyages des grands navigateurs
- Meludia: https://www.meludia.com/fr/ ; jeu utilisant les émotions et les sensations pour rendre accessible la compréhension de la musique
- Bayam TV : https://bayam.tv/fr/enfants-7-10-ans/; site de découverte par le jeu
- Si l’enfant est déjà « passionné » par un jeu addictif, limiter l’accès à ce jeu et le conditionner à sa participation à d’autres activités qui favorisent la pensée critique et le raisonnement.
- Parler avec l’enfant « addict » pour essayer de lui faire reconnaître que ce jeu l’empêche de s’intéresser à d’autres choses.
Il est très important de faire attention à toutes ces considérations dès 10 ans environ. Une fois que la puberté se déclenche, il est beaucoup plus difficile d’obtenir une remise en question du comportement addictif et de la gratification simple et immédiate.

L’addiction aux jeux vidéos
8. Naviguer sur internet
En résumé:
Comme les jeux vidéos, internet peut poser de sérieux problèmes pour le développement cognitif de l’enfant. La publicité en ligne, les contenus inappropriés et la mauvaise information peuvent entraver les facultés critiques de l’enfant. Les parents doivent imposer des limites, garder un œil sur l’activité et les habitudes de leurs enfants, et passer du temps avec eux sur internet pour leur faire prendre de bonnes habitudes
Internet peut être un outil extraordinaire pour le développement des facultés critiques de l’enfant, mais, utilisé sans précaution ni réflexion, il peut vite se révéler toxique.
Tout ce qui a été dit sur les jeux vidéos peut aussi s’appliquer à différents aspects d’internet.
Des études montrent qu’un pourcentage important d’enfants a déjà visionné des vidéos pornographiques. Comme pour les jeux, ces vidéos peuvent devenir addictives et produire les mêmes effets sur la pensée critique et le raisonnement. Qui plus est, le visionnage à volonté de pornographie à l’âge de 10-12 ans trouble les enfants à un stade important de leur développement.
Un autre phénomène inquiétant est celui des chaînes personnelles mises à disposition par les créateurs de contenus vidéos. Certaines chaînes sont suivies par des millions de personnes parfois très jeunes. Une partie de ce contenu est ce qu’on pourrait qualifier de stupide, une autre inspire des conduites violentes, provocatrices et/ou irrespectueuses.
Internet est pour les nouvelles générations le lieu d’où sort la « vérité », c’est-à-dire le monde au-delà de leur expérience limitée. Les générations précédentes ont eu la même relation avec ce qu’ils voyaient à la télévision, mais internet a une puissance de diffusion, de ciblage et de réactualisation gigantesque.
Nous devons aider les enfants à apprendre à évaluer l’information en ligne en naviguant et en lisant attentivement, et en vérifiant les faits.

Le phénomène des « fake news » résulte de la conjonction de la puissance d’internet, des intentions malveillantes de certains acteurs et du manque d’éducation critique de ceux qui consomment l’information. C’est un problème croissant. Nous devons aider les enfants à apprendre à évaluer l’information en ligne en naviguant et en lisant attentivement, et en vérifiant les faits.
Un texte, une vidéo, une photo sont toujours mis en ligne avec un objectif précis. Nous devons en premier apprendre aux enfants, dès qu’ils commencent à utiliser internet, que le contenu en ligne n’est pas forcément vrai. Il faut le répéter sans cesse.
On doit apprendre à percevoir les différents degrés de crédibilité des sources d’information, et ela vaut aussi pour les adultes. Wikipedia ne doit pas être mis au même niveau que des références éducatives comme la Sorbonne ou le Collège de France. Il faut aussi enseigner aux élèves quels sont les sites fiables pour chaque domaine du savoir (science, technologie ou culture).
Il est également fondamental de surveiller quantitativement et qualitativement la navigation des enfants sur internet. Pour cela, les logiciels de contrôle parental sont nécessaires. Mais cela devient de plus en plus difficile, notamment à cause de l’usage des téléphones portables qui fournissent un accès total à internet. Il faut donc passer du temps à naviguer avec ses enfants pour leur donner l’exemple de saines habitudes de navigation. Les sites stupides, moqueurs, pornographiques et violents doivent être interdits.
Pour autant, nous ne devons pas perdre de vue qu’internet est aussi une magnifique opportunité pour développer les capacités critiques des enfants. Si les enfants sont bien guidés par les enseignants et les parents, ils y trouveront de nombreuses activités pour nourrir leur curiosité, se cultiver, rire, vivre des émotions artistiques ou autres. Ils peuvent aussi se divertir avec des vidéos sur l’art de la rhétorique et de la logique, qui n’est enseigné ni à l’école primaire ni au collège.
On trouvera donc sur internet de merveilleux contenus et de la méthodologie pour développer les facultés critiques et de raisonnement. Tout est question d’accompagnement par les adultes, qui doivent eux-mêmes remettre en question leur propre utilisation d’internet et leur propre application de leurs capacités critiques. On ne peut transmettre que ce que l’on connaît.
Voici quelques exemples de sites fiables diffusant du contenu éducatif :
- Institut National de l’Audiovisuel (INA) : http://www.ina.fr/; une collection très riche d’archives vidéos sur tous les sujets (histoire, art, politique, etc.)
- Bibliothèque Nationale de France, bibliothèque numérique pour enfants : http://enfants.bnf.fr/; salle de lecture, réserve de livres rares, cabinet de curiosité, salle de jeux …
- Arte TV : https://www.arte.tv/fr/; films documentaires (géographie, histoire, arts …), courts métrages d’animation, etc.
- France TV « C’est pas sorcier » : https://www.france.tv/france-3/c-est-pas-sorcier/; émission de vulgarisation scientifique
- fr : https://monquotidien.playbacpresse.fr/; initiation à la presse et à l’information
- 1 jour 1 actu : https://www.1jour1actu.com/; décryptage de l’actualité pour les enfants
- France info Junior : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/france-info-junior/
- Encyclopédie Larousse en ligne : https://www.larousse.fr/encyclopedie

Faire des recherches sur internet

Navigation et marketing

Cas Pratique 1
Identifier les invariants
Ces exercices à base de chiffres, de lettres et d’images peuvent aider les enfants à s’entraîner à identifier les schémas logiques et à extraire les caractéristiques invariables (ou invariants) de différentes séries.
Pour chaque exercice, les réponses se trouvent en bas de page.
Exercise A | Invariants numériques
On peut donner aux enfants des suites numériques à compléter, pour tester leurs capacités à identifier les invariants dans les nombres.
Exercise B | Invariants mots et lettres
On peut donner aux enfants des suites numériques à compléter, pour tester leurs capacités à identifier les invariants dans les nombres
Exercise C | Invariants images
Ces exercices testent les capacités des enfants à repérer les invariants dans les images

Cas Pratique 2
Raisonnement universel
Alors qu’en général les enfants plus jeunes sont seulement capables d’affiner leur raisonnement quotidien, qui est lié à une situation concrète particulière, les adolescents sont de plus en plus aptes à utiliser le raisonnement abstrait ainsi que la logique formelle dans leurs arguments. Ils peuvent formuler et évaluer des arguments déductifs.
À ce stade, les parents doivent donc commencer à inciter leurs enfants à formuler leurs arguments dans des termes logiques plus cohérents. Ils doivent signaler les erreurs dans la déduction logique, les sauts logiques ou l’utilisation de généralisations injustifiées, et inciter leurs enfants à utiliser une réflexion plus abstraite quand ils évaluent les affirmations des autres.
Prenons l’anecdote suivante :
Lionel, qui a 11 ans, dit à Hélène : « Tous les motards conduisent comme des chauffards. Mon père ne fait pas de moto, donc ce n’est pas un chauffard ».
À partir de 10 ans, de plus en plus d’enfants, entraînés par des exercices nécessitant la logique, pourront répondre comme Hélène : « Même si ton père ne fait pas de moto, il peut quand même être un chauffard ».
Prononcer cette phrase est peu probable à 10 ans, mais l’est de plus en plus en allant vers 15 ans.
Malgré cela, des adultes restent susceptibles d’émettre le même genre d’affirmations que Lionel tout au long de leur vie, nourrissant ainsi au sein de leur famille une culture de la pensée illogique. Cela va contribuer à l’apparition de difficultés en mathématiques, dès qu’un raisonnement de plus haut niveau que l’arithmétique sera requis.
À cet âge-là, il est possible pour les enfants de commencer à saisir plus précisément des concepts et des implications logiques. Leur développement dans cette direction peut être favorisé par les encouragements de leurs parents et de leurs professeurs. Demandez-leur par exemple d’expliquer exactement pourquoi l’argument de Lionel ne tient pas. Est-ce que les faits sur lesquels il le fonde sont vrais ? Peut-on en tirer la conclusion à laquelle il arrive ? Comment devrait-il changer l’argument pour le rendre cohérent ?

Cas Pratique 3
Puberté vs raisonnement critique
Au début de l’adolescence, la puberté menace inévitablement d’interférer avec le travail scolaire, l’attention et, plus largement, le développement cognitif. Il est crucial que les parents évitent à leurs enfants de se sentir honteux ou coupables de ces changements. Au contraire, ils doivent veiller à renforcer l’idée que ces changements – et les difficultés qu’ils causent – sont universels et positifs.
En même temps, ils doivent aider leurs enfants à éviter que les difficultés liées à la puberté n’interfèrent avec leurs objectifs de développement. Dans l’anecdote ci-dessous, nous décrivons deux approches différentes face à un problème provoqué par la puberté.
Sarah et Paul sont en 6ème au collège. Ce matin, ils sont assis côte à côte en cours de sciences. Le professeur fait une présentation sur la diversité des êtres vivants et leurs classifications.
Sarah et Paul sont tous deux passionnés par les animaux, et ils devraient théoriquement être intéressés par ce que le professeur expose. Or, ils ont développé une relation amoureuse depuis la rentrée, se font passer des petits mots écrits dans leurs agendas, ne suivent rien du cours et ne prennent aucune note.
Leur comportement finit par attirer l’attention du professeur, qui confisque les petits mots et contacte les parents des deux enfants pour en parler avec eux.
Le père de Sarah, très en colère après l’appel du professeur, appelle Sarah pour « une discussion ».
Il lui ordonne de ne plus se mettre à côté de Paul en classe. « Ce n’est pas de ton âge » lui dit-il, faisant allusion aux mots doux échangés entre les deux enfants. Par ailleurs, il indique à Sarah que dorénavant il vérifiera chaque soir si elle a pris des notes dans tous ses cours de la journée. « Et si ça continue, je contacterai les parents de Paul pour tirer les choses au clair », conclut-il.
Sarah monte dans sa chambre en sanglotant, honteuse.
Le père de Paul attend le moment du coucher. Alors qu’il va souhaiter bonne nuit à son fils, il lui explique que le professeur de sciences a téléphoné. « Il s’inquiète pour tes études, tu sais. Il ne veut pas que tu laisses tomber les sciences. »
Puis il lui parle de Sarah. « C’est beau d’être amoureux, je suis heureux pour toi. C’est la plus belle chose qu’il puisse t’arriver. Mais il faut que tu fasses attention, c’est un sentiment tellement fort qu’il peut tout emporter sur son passage ! Si Sarah et toi négligez votre travail au collège, vous devrez rattraper les cours auprès de vos camarades, et ce n’est pas facile de comprendre les notes de quelqu’un d’autre car chacun a sa manière de les prendre. »
« En plus, si vous ne suivez pas en cours, vous passez à côté d’un grand nombre d’informations, et vous aurez des difficultés au moment du contrôle. Le risque est que Sarah ou toi, ou tous les deux, ayez de mauvaises notes. Ce n’est pas ce que tu souhaites, n’est-ce pas ? Ni pour toi, ni pour Sarah ? Promets-moi que tu en parleras avec elle. Vous aurez d’autres moments pour vous parler. Elle peut venir à la maison un après-midi si ses parents sont d’accord, ou venir au cinéma ou à la piscine avec nous à l’occasion. »
Dans cette situation, on constate deux réactions bien différentes de la part des parents :
- Le père de Sarah cherche à surmonter la difficulté en imposant un interdit à sa fille. Il nie l’émergence de la puberté et des pulsions qui y sont associées, les faisant passer pour déplacées. Ce faisant, il ne débarasse pas Sarah de ses pulsions, il va simplement l’inciter à les cacher et même à en avoir honte.
- Le père de Paul explique à son fils qu’il comprend la situation et qu’il l’accepte. Il dit même que c’est une situation très positive à certains égards. Il reconnaît l’émergence de la puberté et de ses pulsions chez son fils, et en prend acte. Pour autant, il ne nie pas les difficultés que cela provoque et cherche à faire comprendre à son fils quels sont les risques pour les deux enfants, comment la situation pourrait se retourner contre eux et leur causer du tort au final. Pour cela, il propose plusieurs pistes, dont inviter Sarah à la maison en dehors des heures de cours. Il fait le pari que les capacités de raisonnement de son fils lui permettront de surmonter la situation, et l’assure de son soutien.

Cas Pratique 4
L’addiction aux jeux vidéos
En parallèle d’internet, les jeux vidéos offrent aux adolescents de nouvelles tentations et de nouveaux obstacles potentiels à leur développement cognitif. Dans sa pire version, l’addiction aux jeux vidéos peut amener les adolescents à substituer au monde réel un monde imaginaire. Ils peuvent aller jusqu’à s’identifier trop fortement aux personnages de fiction. La vie réelle peut commencer à sembler terne à côté des frissons procurés par les jeux et leur rythme effrené. Les conséquences sur la patience, la stabilité émotionnelle et la concentration des adolescents peuvent être catastrophiques.
William, 12 ans, tient fermement la manette de sa console. Assis dans le noir, il s’apprête à attaquer une meute de sangliers qui semblent paisibles. C’est sa première mission de la journée. Il tire, les sangliers se rebellent, l’encerclent, chargent en poussant des grognements et le piétinent. Malgré le fusil d’assaut qu’il vient d’acquérir pour 50 centimes d’euros, William ne peut rien faire.
Sur l’écran, l’avatar de William gît au sol, mort. Un message apparaît à l’écran, lui proposant de dissocier son âme de son corps actuel et d’en trouver un nouveau à habiter. William accepte. Il a maintenant une heure pour trouver un autre corps pour son avatar, et le compte à rebours a déjà commencé. S’il échoue, il perdra le bénéfice de la partie entamée ainsi que les armes et les attributs qu’il a achetés avec la carte bancaire de ses parents. Il profite au maximum de son nouveau statut de fantôme, vole au-dessus des lacs et des volcans et atteint l’île des sirènes.
Des coups légers à la porte de sa chambre détournent son attention. Son père vient lui dire que c’est l’heure du déjeuner. Mais William ne peut pas descendre, sinon il meurt. Son père insiste, et le ton monte. William entre dans une colère noire.
Comment les parents de William pourraient-ils aborder le sujet de l’addiction aux jeux vidéos avec leur fils suite à cet incident ? Voici une proposition :
« William, tu accordes beaucoup d’importance à ton jeu vidéo ces derniers temps. Nous sommes inquiets depuis hier, quand tu n’as pas voulu venir déjeuner avec nous.
– C’est juste que ce n’était pas le moment. Si j’étais venu, je serais mort et j’aurais tout perdu.
– Tu n’allais pas mourir. Au pire, le personnage du jeu allait mourir. Ton vrai toi, William, a besoin de manger sainement et régulièrement. Tu as aussi besoin de lumière, d’air frais et de te dépenser. Tu as besoin de passer du temps avec ta famille et tes amis. En passant tout ce temps dans ta chambre à t’occuper des besoins de ton avatar, tu ne t’occupes plus des tiens !
Depuis combien de temps n’es-tu pas allé jouer au ping-pong ou au volley dans le parc en bas ? Tu adorais ça. Nous voulons que tu te rendes compte que la santé et la force de ton avatar se construisent au détriment de ta propre santé. Or lui est virtuel et pas toi. Tu t’identifies beaucoup trop à lui, et nous avons parfois l’impression que tu vis sa vie à la place de la tienne.
Tu aimes jouer à ce jeu et nous ne te l’interdirons pas. En revanche, nous voulons définir des règles de base, pour que tu gardes un équilibre entre le temps que tu passes sur ton jeu et celui que tu passes dans des activités avec les autres ou à faire du sport ».
Dans cette situation, les parents de William essaient de lui faire comprendre ce qui se joue dans sa relation au jeu vidéo. Pour cela, ils lui expliquent que pour être performant dans le jeu, il faudrait qu’il y passe tout son temps libre et dépense de l’argent en accessoires. C’est exactement ce que recherchent les concepteurs de jeux.
Par conséquent, les joueurs qui veulent performer dans le jeu doivent s’isoler de tout, passer des heures à jouer, et voir ainsi leur hygiène de vie et leur vie sociale se dégrader. Pour résumer, plus l’avatar de William devient fort, plus lui-même s’affaiblit. Ses parents ne suggèrent donc pas d’interdire ce jeu, mais ils lui expliquent clairement ce qu’ils considèrent comme les conditions nécessaires d’un équilibre indispensable à sa santé et à son développement.

Cas Pratique 5
Faire des recherches sur internet
Bien qu’avec internet une foule d’informations et de médias soient accessibles du bout du doigt, c’est un vrai défi que de distinguer le contenu gênant voire carrément malveillant de ce qui a de la valeur. Au moment où les adolescents commencent à utiliser internet de manière plus autonome pour leurs devoirs et pour ce qui les intéresse, ils ont besoin d’être guidés et informés sur comment utiliser internet de manière productive pour élargir leurs connaissances et leur horizon, et comment éviter les distractions et le contenu potentiellement néfaste.
Les parents, comme les professeurs et les autres adultes, peuvent aider en accompagnant leurs enfants quand ils effectuent des recherches d’information en ligne, et discuter avec eux du moyen de trouver du contenu authentique et utile.
Étudions l’anecdote suivante :
Jonathan s’intéresse beaucoup aux requins. Il a des livres sur le sujet, des jeux et même des figurines. Un dimanche après-midi pluvieux, il demande à sa mère l’autorisation de regarder des vidéos de requins sur leur ordinateur portable.
Sa mère se méfie, et lui propose qu’ils fassent des recherches ensemble.
« Alors qu’est-ce que tu tapes dans le moteur de recherche ? », demande-t-elle
– Vidéo de requin, non ? répond Jonathan
– Vas-y, essaie. »
Voici quelques-unes des propositions du moteur de recherche sur la première page de résultats :
«Tu vois Jonathan, la plupart de ces vidéos sont des vidéos violentes qu’un enfant de ton âge ne devrait pas regarder. Les adultes non plus d’ailleurs ! Nous ne savons même pas si ces vidéos sont vraies. On ne peut pas le dire. Dans le doute, le mieux est de ne pas les regarder.
– Cela veut dire que je ne peux pas regarder de vidéos ?
– Pas celles-ci en tout cas, c’est certain. Tu ferais des cauchemars. Allons voir sur le site de National Geographic, tu veux bien ? C’est un magazine qui existe depuis plus de cent ans et qui est spécialisé dans les belles photos de nature et d’animaux, de paysages, etc. Les vidéos sur leur site sont vraiment belles et intéressantes. On ne risque pas de trouver n’importe quoi. Tiens, regarde :
– Whaou ça a l’air bien ! »
La mère de Jonathan veille à lui faire comprendre que l’on trouve de tout sur internet, et lui fait prendre particulièrement conscience du mauvais contenu. Elle l’initie à une recherche critique et exigeante, s’assurant qu’il n’accède qu’à du contenu vérifié. Maintenant, Jonathan comprend que pour parvenir à un résultat correspondant exactement à ses attentes, il est nécessaire de se poser la question du chemin à emprunter et que le plus direct et le plus rapide n’est pas forcément le meilleur.

Cas Pratique 6
Navigation et marketing
Avec la croissance du commerce et de la publicité en ligne, ainsi que des autres techniques de marketing numérique, les enfants tout comme les adultes font face à une nouvelle série d’obstacles qui perturbent leur concentration et leur calme.
Tandis que beaucoup d’adultes ont déjà adopté des habitudes mentales et des techniques de gestion de leur attention pour surmonter ces obstacles, les enfants et les adolescents sont souvent plus vulnérables. Si les enfants y succombent systématiquement, ces tentatives de contrôler l’attention de l’utilisateur peuvent avoir des effets négatifs à long terme sur leur développement cognitif.
Il est donc vital que les parents établissent des règles de base claires pour leurs enfants quand ils utilisent des appareils numériques, et qu’ils leur parlent de la manière d’éviter de tomber malgré soi dans les pièges du marketing.
Voyons cette anecdote :
Iris demande à son père l’autorisation d’utiliser leur tablette. Elle est passionnée de chevaux et souhaite regarder des vidéos sur une race particulière, le pur-sang arabe. Avec l’accord de son père, elle prend la tablette et tape « pur-sang arabe » dans le moteur de recherche.
Elle commence à naviguer, regarde quelques photos, des vidéos, puis elle appelle :
« Papa ! Viens voir. Il y a un super livre sur les pur-sang arabes, on peut le commander ? S’il te plaît !
– Nous en avons déjà parlé, Iris. Ne te fais pas avoir. Lorsque tu cherches quelque chose sur internet, le moteur de recherche va utiliser les mots clés que tu as tapés et te proposer des liens vers des sites. Mais il va aussi essayer de te vendre des produits en lien avec ces mots. Par exemple, la société qui vend ce livre sur les pur-sang arabes paie le moteur de recherche pour qu’il te montre leur publicité. Ils se mettent tous les deux ensemble pour te vendre ce livre, alors qu’au départ tu n’avais pas tapé « livre à vendre sur les pur-sang arabes », tu voulais juste voir des vidéos.
– Ah je comprends. C’est vrai que je n’avais pas l’idée d’acheter un livre tout à l’heure quand j’ai commencé à chercher »
Le père d’Iris a fait en sorte de lui faire comprendre ce qu’est un « besoin suscité » par le marketing personnalisé qui opère à partir des données fournies par les utilisateurs via les moteurs de recherche. Alors que son désir initial était simplement de s’informer, le moteur de recherche a suggéré à Iris de faire un achat.